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 Tom peint comme un dessinateur. Il trace des lignes et met des choses dedans. D’abord il y a cette ligne noire, qui taille des personnages et découpe des visages, toujours à vif. D’ailleurs, quand on s’éloigne, on se rend compte qu’ils hurlent de douleur. A moins qu’ils ne se marrent. Peut-être de nous. Donc on s’approche pour comprendre, et d’un coup on est trempé. Parce que dedans, il y a des flots de couleurs vives, ça tangue pas mal, les flux s’entrechoquent mais ne se mélangent jamais. Sur la surface agitée flottent des signes, brillent des lames et se ramassent quelques mots dans l’écume. On se noie dedans un instant, et puis on tend la main et on attrape quelque chose, on se croit sauvé. Mais c’est la ligne noire. Toujours elle. Qui resserre, qui tranche, qui noue, qui enferme, comme les parois d’un labyrinthe.

 

Nicolaî Pinheiro

 

« Thomas Lestienne said Tom, draftsman, painter and
sculptor. Born in Jura in the early 1980s, he saw
and creates Paris in the mid alterground.
His work is influenced by the pell-mell literature
American (Bukowski, Fante, Tooles …), music
rocks or alternative cosmogonies tribal animists
and primitive.

Questioning the underlying quest
self, uncompromising instincts with sensitive
destruction oscillatory offset by an appetite
fierce curiosity flawless, new research
techniques and materials, the dirtier the noblest.
His creations marked by a
research essential to the in-itself, impulses dead
transcended by the vital forces, the link with the land,
elements, the Human. His aesthetic leads us to
Africa with its traditional totem and its fetish
teach us that art meets individuals, founded the
communities, is the bearer of magic and sacred. « 

Yannick Le Guern, Président galerie Golden Brain

 

" Thomas Lestienne, dit Tom, est dessinateur, peintre et
sculpteur. Né dans le Jura au début des années 1980, il vit
et crée à Paris dans le milieu alterground.
Son travail est influencé pêle-mêle par la littérature
américaine (Bukowski, Fante, Tooles…), les musiques
rocks ou alternatives, les cosmogonies tribales, animistes
et primitives.

Le questionnement sous-jacent est la quête
de soi, sans concession, avec des instincts sensibles de
destructions oscillatoires, contrebalancés par un appétit
féroce, une curiosité sans faille, une recherche de nouvelles
techniques et matériaux, des plus sales aux plus nobles.
 Ses créations marquent par une
recherche de l’essentiel, de l’en-soi, des pulsions de morts
transcendées par les forces vitales, du lien avec la terre,
les éléments, l’Humain. Son esthétique nous porte vers
l’Afrique avec sa totémique traditionnelle et ses fétiches
qui nous enseignent que l’art rejoint les individus, fonde les
communautés, est porteur de magie et de sacré."

 

Yannick Le Guern, Président galerie Golden Brain

De loin, on aurait presque trouvé ça joli. En s’approchant, d’abord, on y voit l’œil magnétique qui fixe sa proie hallucinée. Comme ces portraits qui hantent encore votre inconscient des heures et des années après,lorsque le sommeil vous rappelle que vous habitez d’autres endroits où se tapissent, obscurs et englués, des kystes ovoïdes à têtes de singes.

Le cœur commence à battre. Les couleurs transpirent. Les tuyaux rappellent la matière à l’usine, dans la salle d’eau. Ca enfle, ça ronfle, ça remplit, la machine tourne, erratique. Ce n’est pas de l’huile qui fuse. La figure du monstre boursouflé commence à circuler, il rend ou avale, peu importe, c’est l’énergie vitale d’Artaud qui parle. Celle qui jaillit, anarchique, généreuse, faite de sang et d’eau, de merde, de souffre, la matière exsangue qui remplit l’être par tous les bords.

Les pupilles se dilatent. Putréfaction colorée. La régurgitation, probablement. Là, il y a un cyclope goguenard. Une aménorrhée de clous. Il y a des pigments qui dévorent le cerveau. Un destin pour machine à laver.

Dans les recoins de l’autre scène, celui-là qui agit dans votre tête. Ils commencent à être nombreux. Les aveugles se battent pour trouver à boire. Les monstres dansent à la diable autour d’une piscine remplie d’osselets. On y voit plus clair.

C’est ce que l’on présume être le personnage de ce que l’on appelle un tableau. A trop y réfléchir. La folie aurait pourtant un visage humain. Celui de la bête primale qui vous hurle de ne pas revenir. C’est le sourire de l’homme qui rit entaillé au couteau, il vous attend au fond de l’antre mental. Un délice de confiture. On se souvient de ce qu’on a été. Le mieux, c’est de savoir que c’est encore là.

Elle s’imprime en toile. Les intestins sentent le liquide refluer. A la fin, personne ne sera là pour les regarder pleurer. Nu comme un ver, nos borborygmes embrasseront la terre, la boue finira par engloutir la chair. Infâme phacochère. Pour l’instant, c’est encore la vie qui grouille. Dans la peau. Plus tard, La mort s’insinuera dans le corps. Par le sang cruel et vivace, l’eau stagnante. Il nous reste la terreur.

Il serait inexact de parler d’image. C’est surtout l’impression qui reste dans le cervelet. On ne s’offre pas le luxe et la paresse de la symétrie, un gouffre graphique suffira pour achever le vertige. Nos tripes finiront avec celles des autres dans le feu, et d’autres encore qui danseront autour, en couleur ou en noir et blanc.

Qui a vomi sur la toile ? Le génie s’ignore. Ogre et organe, anarchie organisée. Décantez, petit crâne. Vous reviendrez un jour pour un deuxième tour.

Tom Lestienne est un artiste-plasticien. Il ne sait pas ce qu’il fait. Tant mieux. S’il le savait, on risquerait de ne plus baver, hirsute, délicieusement sidéré, à contempler la catastrophe.

Elsa Forner Ordioni

 

" Le travail de Tom, s’il fallait le résumer en peu de mots, tient tout à la fois du foutraque, du jaillissement et de l’épure. Autant de termes contraires qui paraissent s’annihiler les uns au contact des autres. Cependant ils témoignent bien de cette volonté quasi viscérale qu’a Thomas de dire son dégoût d’un art clinquant (cf. les Hirst, Murakami et consorts…) et d’une création contemporaine camouflant son inanité sous les oripeaux du Concept.
Jaillissement_ Ou comment s’affirme au sein du travail de Tom la primauté du geste. En effet, notamment sur ses krafts, c’est à grands traits qu’il procède, saturant l’espace. .. La gestuelle se veut fulgurance, recherche d’une non-maîtrise, d’une perte de soi, d’un étourdissement. On peut y voir l’influence d’un Artaud ou encore de cette myriade de voix à peine audibles que l’on arraisonne si souvent au concept d’« art brut ». On peut y voir encore la perméabilité de Tom aux sons, à une certaine musique, celle que les Doors concevaient comme autant de passerelles vers d’autres Portes. _ Foutraque _ d’accord, mais si en apparence c’est le cas, c’est uniquement dans le but que nous nous engluions toujours plus dans cette gangue chaotique de formes, de signes dont il sature ses peintures et ses sculptures. Gangue signifiante au vu de laquelle on peut avancer que ses créations ont des visées avant tout narratives sans qu’elles soient jamais platement figuratives ou univoques. Une espèce de concentré déjanté de BD, de Combas et d’Alechinsky. Pourtant il ne faut pas y voir là le dernier avatar de la figuration libre. _ Epure_ Si sa création se veut en effet fulgurance / non-maîtrise cela ne passe cependant ni par une débauche d’effets, ni par une débauche de moyens. Marqueurs, krafts pour ses dessins ; matériaux de récupération, argiles pour ses sculptures. Rien de plus ; dès lors nul moyen pour Tom de s’esquiver, le refus de mettre en scène son art le contraignant à s’exposer. Cette gangue de formes, cet entrelacs de signes dont il recouvre ses pièces n’étant rien moins que la cartographie de ses doutes, de ses errances, de ses excès ainsi que des nôtres. Cartographie sauvage, toute hérissée de pics."

Alexis Hajdukiewicz